Sorrentino jette un homme à l’amer
Ruines. L’Italien rend un hommage nostalgique et réac l’âge d’or du cinéma national.
Pour tout festivalier, ne pas connaître le cinéma de Paolo Sorrentino relève d’une preuve flagrante d’absentéisme. Pour la cinquième fois (en neuf éditions), le cinéaste italien a été retenu en compétition, cette fois avec la lourde charge de représenter le cinéma transalpin contemporain, spectre décharné de ce qu’il fut jadis. C’est précisément le sujet central de la Grande Bellezza, hommage explicite aux années fastes, aux folies démesurées et aux salles remplies jusqu’aux strapontins de la Péninsule.
Pour cela, Sorrentino a non seulement convoqué les grands anciens, surtout Fellini et Scola, et inventé un personnage central sur mesure pour son acteur fétiche, Toni Servillo. Pour faire court, il incarne ce qu’aurait pu devenir le Marcello de la Dolce Vita, désormais un vieux dandy tiré quatre épingles, riche ne plus avoir besoin de compter, écrivain manqué qui gaspille son intelligence écrire dans des articles vipérins dans un magazine la mode. Tandis que, peu peu, la mort et la désertion des derniers proches encercle cette allégorie du cynisme, il ressasse inlassablement un monde englouti que la Rome contemporaine fait semblant de perpétuer coups de fêtes bidons et de dîners faussement huppés.
Si le projet de Sorrentino est construit intégralement sur une nostalgie qu’on imagine douloureuse, l’usage qu’il en fait est trop inégal pour donner au film une architecture séduisante. D’un effet manqué par trop de grandiloquence (l’irruption d’une girafe dans un décor de pub) aux hommages larmoyants (Fanny Ardant qui fait une apparition fantomatique), Sorrentino peine trouver la bonne distance. Parfois, il verse même dans un dégoût aveugle vaguement réac, conséquence intimement liée la nostalgie, comme lorsqu’il ricane sur la «performance» d’une artiste contemporaine givrée qui se précipite, nue et tête la première, sur un mur de briques.
Du coup, l’effet d’accumulation (...)